François Chausson, Étienne Wolff (Éds.): Consuetudinis amor. Fragments d’histoire romaine (IIe-VIe siècles) offerts à Jean-Pierre Callu. Rome : « L’Erma » di Bretschneider 2003 (Saggi di storia antica 19). 456 S. Euro 235. ISBN 88-8265-216-5.

En hommage à Jean-Pierre Callu, professeur émérite de latin à l’Université de Paris IV-Sorbonne (1988-1998), ancien directeur d’études à la Section des « Sciences philologiques et historiques » de l’École Pratique des Hautes Études où il enseigna « l’histoire et la littérature du Bas-Empire » (1981-1998), membre ordinaire de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres depuis 1995[1], sont publiés de riches mélanges dans la prestigieuse collection « Saggi di storia antica » dirigée chez « L’Erma » di Bretschneider par Augusto Fraschetti et Andrea Giardina, professeurs à l’Université de La Sapience à Rome. Edité par les soins conjoints de François Chausson, maître de conférences d’histoire romaine à l’Université de Paris X-Nanterre, et de Étienne Wolff, professeur de latin dans le même établissement — où Jean-Pierre Callu enseigna la même langue de 1972 à 1988 —, ce volume présente, selon l’ordre alphabétique des auteurs, vingt-deux contributions qui illustrent la large palette des champs d’intérêt du récipiendaire. En témoignent également, placés en tête de volume, une bibliographie (à jour à l’année 2001) ainsi qu’un liminaire dû aux deux curateurs. De ses deux thèses dédiées à l’histoire économique et monétaire de l’Empire romain au IIIe siècle et au début du siècle suivant (Genio populi romani (295-316). Contribution à une histoire numismatique de la Tétrarchie, Paris 1960 ; La politique monétaire des Empereurs romains de 238 à 311, Paris 1969) à ses éditions commentées de la correspondance de Symmaque (Paris 1972-2002) et des premières Vies de l’Histoire Auguste (Paris 1992), en passant par de très nombreux articles et recensions portant aussi bien sur les thèmes déjà mentionnés que sur l’histoire politique et culturelle du Bas-Empire, Jean-Pierre Callu a édifié une œuvre majeure dans l’historiographie contemporaine sur la fin du monde antique et apporté une contribution décisive dans bien des domaines des sciences de l’antiquité. La publication des mélanges qui lui sont offerts aux presses d’un éditeur italien manifeste le caractère international de son rayonnement scientifique, et particulièrement la force de ses liens avec l’université italienne, tout comme l’ampleur des hommages qui lui ont été consacrés atteste de l’impact profond de ses savants travaux : déjà à Bergame en 1998 un colloque avait été réuni autour de son œuvre à l’initiative de Giuseppe Zecchini (Identità e valori. Fattori di aggregazione e fattori di crisi nell’esperienza politica antica, Bergamo, 16-18 dic. 1998, 3. Alle radici della casa comune europea, a cura di A. Barzanò, C. Bearzot, F. Landucci, L. Prandi, G. Zecchini, (Centro Ricerche e Documentazione sull’Antichità Classica. Monografie, 21), « L’Erma » di Bretschneider, Rome 2001), et en octobre 2000 des Journées internationales d’histoire monétaire furent organisées à Paris autour de son œuvre numismatique — elles ont été publiées dans la Revue numismatique, 159, 2003, p. 5-224 —.

            Les présents mélanges, publiés avec soin —les coquilles sont rares[2] — à un prix, hélas, prohibitif, mais coutumier chez cet éditeur, s’ouvrent sur une contribution de François Baratte (« Lumière et vie : une plaque de ceinture byzantine cruciforme à Korbous (Tunisie) », p. 31-44) présentée d’abord devant la Société nationale des antiquaires de France le 14 avril 1999 (cf. BSNAF, 1999, p. 118-120) et dédiée à l’examen d’une plaque-boucle de ceinture en bronze trouvée en 1908 à Korbous au Cap Bon en Tunisie et aujourd’hui perdue. Sur la base de la publication effectuée par Charles Diehl (BCTH, 1909, p. 157 et 335-337, pl. XLVI), l’auteur montre la singularité de cet objet au sein du vaste ensemble des plaques-boucles de la Méditerranée tardive, aujourd’hui objet de nombreuses études — pour un premier bilan, voir M. Kazanski, « Les plaques-boucles méditerranéennes des Ve-VIe siècles », Archéologie médiévale, 24, 1994, p. 137-198 — : la plaque cruciforme porte un décor gravé composé d’éléments géométriques, de deux bustes, en haut celui de la Vierge nimbée, en orante, portant maphorion et stolè, en bas celui d’un homme (David, le Christ ?), et une inscription grecque Phôs – Zôê (« Lumière », « vie »). François Baratte juge la décoration de cet objet inspirée  des croix d’orfèvrerie qui se multiplient dans le monde byzantin à partir de la fin du VIe s. et considère la fin du VIIe s. comme terminus ante quem.

Bruno Bleckmann («  Gallus, César de l’Orient ? », p. 45-56) réexamine avec précision les causes de l’élévation de Gallus au rang de César le 15 mars 351 : si cet acte peut être envisagé comme une réponse à l’élévation de Decentius au rang de César par son frère Magnence, le parallèle entre Gallus et Decentius ne doit pas être poussé trop loin. En particulier, contrairement à ce qu’affirme Aurelius Victor (42, 9), l’envoi de Gallus en Orient pour mener la guerre contre les Perses n’est pas symétrique de celui de Decentius sur le Rhin pour combattre les Germains. En effet, comme le montre une analyse minutieuse des sources disponibles, Gallus ne fut dépêché en Orient qu’à la fin 351.

Hartwin Brandt (« Die Rede peri basileias des Synesios von Kyrene – Ein ungewöhnlicher Fürstenspiegel », p. 57-70) développe quelques considérations à propos des circonstances du discours sur la royauté de Synesios de Cyrène. L’ auteur ignore aussi bien l’édition critique de Nicola Terzaghi — Synesios est cité d’après la Patrologie grecque !— que les importantes remarques d’Alain Chauvot, Opinions romaines face aux barbares au IVe siècle ap. J.-C., Paris, 1998, p. 343-364, et la recension par le même savant de l’ ouvrage d’ Alan Cameron et Jacqueline Long, Barbarians and Politics at the Court of Arcadius, Berkeley 1993 (The Transformation of the Classical Heritage 19), parue dans la Revue des Études Anciennes, 98, 1996, p. 450-453.

Jean-Michel Carrié (« Nihil habens praeter quod ipso die vestiebatur. Comment définir le seuil de pauvreté à Rome ? », p. 71-102) apporte une importante contribution à un sujet d’actualité : l’étude de la pauvreté dans l’antiquité tardive. Faisant fond sur un mémoire pionnier de Denise Grodzynski (« Pauvres et indigents, vils et plébéiens. Une étude terminologique sur le vocabulaire des petites gens dans le Code théodosien », SDHI, 53, 1987, p. 140-218), qui montrait comment « la pauvreté se mêle à des notions différentes relevant de la vie politique et civique, des mœurs sociales et de la morale » — l’auteur n’a pu tenir compte du récent ouvrage de Peter Brown, Poverty and Leadership in the Later Roman Empire, Hanover/London 2002 —, il propose  d’échapper au cercle vicieux de l’emploi idéologique du lexique de la pauvreté dans les sources antiques, en tentant de définir quantitativement un seuil de pauvreté, puisque les diverses mesures existant en faveur des nécessiteux (inscription sur la matricule des pauvres, exemptions fiscales, etc.) supposent une mesure préalable de la pauvreté. D’après un passage du Code hermogénien (Digeste 48, 2, 10), il estime à 50 sous d’or « le capital minimum qui qualifie un individu comme possédant — possidens — », ce qui, si l’on fait l’hypothèse  d’un rendement de 8% de la terre cultivée, représente  un revenu de 4 sous d’or par an, un chiffre très proche du seuil minimal de subsistance familiale qu’il élabore sur la base des données égyptiennes, soit 4 à 5 solidi. Cette étude ne manquera pas d’aiguillonner les débats des spécialistes de l’économie antique. On profite de cette recension pour signaler la publication prochaine, aux Éditions De Boccard, de la thèse que Christel Freu a soutenu à l’automne 2004 à l’Université de Strasbourg II sur « Les figures du pauvre dans les sources italiennes tardives ».

François Chausson (« Regards sur la famille de l’empereur Lucius Verus », p. 103-161) consacre un imposant et vertigineux mémoire à l’examen critique de la documentation relative à la généalogie de Lucius Verus. Cette étude est issue de sa thèse de doctorat intitulée « Les Antonins et les Sévères de Marius Maximus à l’Histoire Auguste : introduction à un imaginaire généalogique », dont on attend la publication prochaine à « L’Erma » di Bretschneider. Partant du témoignage des sources littéraires (Histoire Auguste, Dion Cassius, dérivés de l’EKG), l’auteur le confronte à la documentation épigraphique — y compris, cela est à noter, les estampilles sur briques —, sur la base principalement d’une minutieuse analyse de possibles recoupements onomastiques. Sans méconnaître la fragilité de reconstitutions qui peuvent être remises en cause en raison du caractère nécessairement partiel et lacunaire de la documentation (cf. p. 122 n. 72), l’auteur fournit de stimulantes hypothèses que des stemmata réunis en fin d’article (p. 153-161) permettent de visualiser. Cet article s’inscrit dans un ensemble de recherches où l’auteur revisite entièrement les généalogies antonines. On signalera en dernier lieu sa contribution « Variétés généalogiques III. La généalogie d’Antonin le Pieux », dans Historiae Augustae Colloquium Barcinonense, a cura di G. Bonamente e M. Mayer, Bari 2005, p. 107-155, et les études indiquées n. 1.

C’est au juriste Ulpien que Michel Christol (« Entre la cité et l’empereur : Ulpien, Tyr, et les empereurs de la dynastie sévérienne », p. 163-188) dédie son attention, et plus particulièrement à un passage du Digeste 50, 15, 1, un extrait du De censibus du célèbre juriste écrit en 213 et mentionnant le don à Tyr du ius italicum par Septime Sévère et Caracalla. Rappelant  sur la base de AE, 1988, 1051 — où à la fin de la dernière ligne il convient de lire p[a]tria —, les liens qui unirent Ulpien à Tyr — il y avait son origo, ce qui ne veut pas dire qu’il y soit né (cf. p. 166 n. 8) —, il donne un commentaire précis du texte du Digeste, un éloge de Tyr selon les règles énoncées dans les traités placés sous le nom de Ménandre le Rhéteur, et propose de voir dans cet extrait une réécriture du discours qu’Ulpien, alors adjoint du a libellis Papinien, aurait prononcé en 201 lors de l’adventus de Septime Sévère à Tyr et de la concession du ius italicum comme récompense de son soutien au nouvel empereur. 

Lellia Cracco Ruggini (« Iatrosofistica pagana, ‘filosofia’ cristiana e medicina (iV-VI secolo) », p. 189-216) s’intéresse au problème de l’évolution des liens entre travail manuel et travail intellectuel dans l’antiquité tardive en étudiant l’exemple des médecins. Partant du cas d’Aèce selon les indications biographiques données par Philostorge (HE 3, 15) — sur le milieu médical d’Alexandrie, on lira J. Gascou, « La vie intellectuelle alexandrine à l’époque byzantine (IVe-VIIe siècles) », dans Actes du XXXe Congrès International de l’Association des Professeurs de Langues Anciennes de l’Enseignement Supérieur, Mulhouse, 1998, p. 40-48 —, elle met en évidence combien l’expansion de la bureaucratie d’État dans la période considérée (IVe-VIe s.) offre de nouvelles possibilités de carrière — en témoigne le succès des iatrosophistes (Oribase de Pergame, Théon, Magnos) — et favorise, pour reprendre l’expression de Santo Mazzarino, « une démocratisation de la culture », en un moment où la législation encourage l’utilitas et donc un rapprochement entre travail manuel et travail intellectuel. La diffusion large des connaissances médicales qu’attestent les sources chrétiennes en est une illustration : voir les actes du récent colloque Les Pères de l’Eglise face à la science médicale de leur temps, V. Boudon Millot, B. Pouderon éd., Paris, 2005 (Théologie historique, 117), et le répertoire d’E. Samama, Les médecins dans le monde grec : sources épigraphiques sur la naissance d’un corps médical, Genève, 2003 (Hautes Études du monde gréco-romain, 31).

Roland Delmaire (« Jean Chrysostome et les Brigands Isauriens », p. 217-230), qui prépare pour la collection « Sources chrétiennes » la traduction commentée des lettres d’exil de Jean Chrysostome sur la base d’un texte établi par la regrettée Anne-Marie Malingrey, examine les traces laissées dans cette correspondance par les incursions des brigands isauriens en Anatolie orientale entre 404 et 406. On signale à ce propos la parution récente de la thèse de Sophie Métivier, La Cappadoce (IVe-VIe siècle). Une histoire provinciale de l’Empire romain d’Orient, Paris, 2005 (Byzantina Sorbonensia, 22).

Puisant inlassablement dans le trésor de ses découvertes philologiques, François Dolbeau (« Un sermon anonyme pour l’Ascension, reflétant la Pastorale anti-donatiste d’Augustin », p. 231-250) publie un sermon africain inédit et anonyme pour l’Ascension émaillé de traits antidonatistes. Il le juge contemporain d’Augustin et probablement inspiré de sa pastorale. Ce nouveau sermon est enregistré sous le sigle AN s Dol **2 dans le dernier Aktualisierungsheft 2004, dû aux soins de Roger Gryson, du répertoire de H. J. Frede, Kirchenschriftsteller. Verzeichnis und Sigel, Freiburg i. Br. 2004.

Richard P. Duncan-Jones (« Weight Loss and Circulation Patterns in Late Roman Gold Hoards », p. 251-262) dédie une étude technique au frai du solidus sur la base de l’examen de neuf trésors monétaires dont celui de Hoxne encore inédit à l’époque de la rédaction de l’article. Ce trésor vient de faire l’objet d’une publication : Peter Guest, The Late Roman Gold and Silver Coins from the Hoxne Treasure, Londres 2005. Il estime le frai du solidus de l’ordre de 0,9 à 1 mg/an, soit une valeur moindre que celle du frai de l’aureus (1,6 à 2,5 mg/an), et en déduit que la circulation des solidi fut plus lente que celle des aurei.

Michel Festy (« Histoire et historiographie byzantines dans l’Anonymus Valesianus 2 », p. 263-284), qui prépare pour la collection « Budé » une édition commentée des Excerpta Valesiana, examine la place que tiennent dans l’Anonyme de Valois II, dédié essentiellement à l’histoire de l’Italie dans la période 474-526, les empereurs de Constantinople et Théodoric. Il essaie d’identifier, tout en soulignant la difficulté de la tâche, les sources grecques de l’historiographe. On notera au passage quelques remarques philologiques : au § 40 (cf. Agnellus de Ravenne, Liber pontificalis, 94) l’auteur explique le trait relatif aux rotules de Zénon par une mécompréhension de l’épithète agonatos (« inflexible ») attribué à l’empereur. Au § 42, il propose de revenir au texte du manuscrit de Berlin et de lire : oblectans militem. Au § 63, il suggère de corriger le nom de la fille de Théodoric en Ariadne. Sur un thème voisin, on pourra lire Giuseppe Zecchini, « L’anonimo Valesiano II : genere storiografico e contesto politico », dans Teodorico il Grande e i Goti d’Italia. Atti del XIII Congresso internazionale di studi sull’Alto Medioevo. Milano, 2-6 nov. 1992, Spolète, 1993, t. II, p. 809-819.

Claude Lepelley (« Un témoignage sur la procédure par libelle et rescrit dans une lettre de Symmaque à son frère Celsinus Titianus », p. 285-297) donne un commentaire approfondi à l’Ep. I, 64 de Symmaque adressée à son frère Celsinus Titianus, vicaire d’Afrique en 379-380. La missive a pour but de recommander Clément, l’évêque de Césarée de Maurétanie, qui a joué le rôle d’ambassadeur de sa cité lors de la prise de la ville par Mazuca, le frère de Firmus, durant l’hiver 371/372, puis, après la défaite du rebelle, a intercédé auprès de l’empereur pour obtenir un rescrit déboutant le fisc de ses exigences. L’auteur montre que la réponse impériale ne suffit pas et qu’il faut que les autorités romaines en Afrique vérifient que la situation sur place est bien conforme à celle prévue dans le rescrit pour que celui-ci soit exécutoire. C’est là un fort intéressant témoignage sur la procédure par libelle et rescrit. On notera qu’en Ep. I, 68 l’auteur (p. 286 n. 3) propose de corriger la leçon des manuscrits « Vaganensis saltus » en « Bagatensis saltus », ce bien-fonds étant à situer en Numidie.

À propos d’un passage de la correspondance de Cyprien (Ep. 13, 7) bien connu des numismates et des historiens de l’économie antique [cf. par exemple, Cl. Brenot, X. Loriot, D. Nony, Aspects d’histoire économique et monétaire de Marc Aurèle à Constantin 161-337 après J.-C., Paris 1999 (Regards sur l’histoire. Histoire ancienne, 130), p. 208], Elio Lo Cascio («  Una possibile testimonianza sul valore dell’Antoninianus negli anni di Decio ? », p. 299-309) s’interroge sur la nature de la monnaie physique en laquelle les sommes respectivement de 250 et 175 sesterces — le sesterce est ici une unité de compte — ont pu être versées. Après avoir écarté l’hypothèse d’un paiement en aurei et ses sous-multiples, ou en sesterces et doubles sesterces, il envisage un versement en antoniniani, la monnaie d’argent créée par Caracalla, et affronte la question controversée de la valeur en sesterces de l’antoninianus  au milieu du IIIe s. : 5, 6 ou 8 sesterces ? Comme seule la première solution permet d’obtenir ici un compte rond, il voit dans cette solution une corroboration de l’hypothèse qu’il avait antérieurement formulée sur la valeur de l’antoninianus à cette date (cf. Id., « Dall’antoninianus al ‘laureato grande’ : l’evoluzione monetaria del III secolo alla luce della nuova documentazione di età dioclezianea », dans Opus, 3, 1984, p. 133-201). Il s’agit là d’une nouvelle pièce à verser à un débat entre spécialistes qui ne manquera pas de rebondir.

Arnaldo Marcone («  Il destino dell’Impero e la fortuna di Costantino », p. 311-321) se contente de résumer deux de ses manuels sur Constantin : Costantino il Grande, Rome-Bari, 2000 ; Pagano e cristiano. Vita e mito di Costantino, Rome-Bari, 2002. Sur le Triakontaétérikos d’Eusèbe de Césarée, on verra désormais la traduction commentée de Pierre Maraval, Eusèbe de Césarée. La théologie politique de l’Empire chrétien. Louanges de Constantin (Triakontaétérikos), Paris 2001.

Valerio Neri (« Il tema della senectus nella storiografia pagana della tarda antichità (IV-VI secolo) », p. 323-355) examine le thème de la senectus et de ses topiques dans l’historiographie païenne tardive (Eutrope, Epitome de Caesaribus, Histoire Auguste, Aurelius Victor, Ammien Marcellin), mais aussi Procope, Agathias, Jordanès, Orose. L’article, très décousu, n’aboutit à aucune conclusion.  

François Paschoud (« L’auteur de l’Histoire Auguste est-il un apostat ? », p. 357-369) rassemble des remarques éparses dans son commentaire de la Vie d’Aurélien de l’Histoire Auguste (Paris 1996). Il s’intéresse à la méconnaissance des rituels païens que ce texte paraît présupposer et à la connaissance du christianisme qu’il semble démontrer — sur la règle d’or, voir Giancarlo Rinaldi, La Bibbia dei pagani, Bologne 1998, t. II, p. 410-412 ; et La regola d’oro come etica universale, C. Vigna, S. Zanardo éd., Milan 2004 —. Il reprend pour conclure une hypothèse faite en passant par Jean Beaujeu (La religion romaine à l’apogée de l’Empire, I, La politique religieuse des Antonins (96-192), Paris 1955, p. 274 n. 1) qui proposait de voir dans l’auteur de l’Histoire Auguste un apostat. Ce dernier rejoindrait donc Ammien Marcellin tel que Timothy Barnes (Ammianus Marcellinus and the Representation of Historical Reality, Ithaca-Londres 1998, p. 79-94) a proposé de le caractériser. Sur la question des apostats, on signale l’ouvrage récent de Stephen G. Wilson, Leaving the fold. Apostates and defectors in antiquity, Minneapolis 2004, qui ignore ces deux conjectures.

Dans le même ordre d’idée, Éric Rebillard (« Note sur les morts de philosophes dans les Histoires d’Ammien Marcellin », p. 371-378) s’attarde sur deux passage d’Ammien mettant en scène la mort de deux philosophes, Eusèbe d’Émèse (14, 9, 6) et Simonide (29, 1, 39). Il veut y voir un écho de modèles chrétiens, le premier implorans caelo iustitiam, le second crédité d’être immobilis au milieu des flammes, une attitude souvent attribuée par des sources chrétiennes aux martyrs. Le premier cas ne paraît nullement caractéristique : il suffit de renvoyer, par exemple, à Sénèque, Médée 439, Silius Italicus, Punica, VI, 466 ; Stace, Silves V, 3, 89 ; on ne voit guère en quoi le second s’écarte de la tradition stoïcienne (cf. par exemple Celse cité par Origène, Contre Celse VII, 53 à propos d’Épictète).

René Rebuffat (« Populi Romani fides. Adhésion et exclusion en Afrique », p. 379-408) rassemble tout un dossier — non exhaustif —sur le jeu de la fides et de ses violations dans les relations entre les Romains et les gentes d’Afrique, et en particulier sur l’appel à la vengeance des dieux ou de Dieu en cas de trahison d’un serment. Il y a là une riche matière qui peut être envisagée maintenant à la lumière des analyses d’Yves Modéran dans son maître livre Les Maures et l’Afrique romaine (IVe-VIIe siècle), Rome 2003 (BEFAR, 314). Sur la correspondance d’Augustin et Publicola, on verra Claude Lepelley, « la diabolisation du paganisme et ses conséquences psychologiques : les angoisses de Publicola correspondant de saint Augustin », dans Impies et païens entre Antiquité et Moyen Âge, L. Mary, M. Sot éd., Paris 2002, p. 81-96. Sur la fameuse inscription de Masties, voir en dernier lieu Yves Modéran, Les Maures et l’Afrique romaine, op. cit., p. 398-413, et Id., « De Iulius Honorius à Corippus : la réapparition des Maures au Maghreb oriental », CRAI, janvier-mars 2003, p. 257-285, ici p. 273.   

À partir d’un passage d’Ammien Marcellin (22, 13, 2-3) qui évoque la responsabilité du philosophe cynique Asklépiadés dans l’incendie du temple d’Apollon à Daphné en 362 (cf. la notice de M.-O. Goulet-Cazé, dans Dictionnaire des philosophes antiques, R. Goulet éd., t. I, Paris 1989, p. 619, n°443), Robert Turcan (« Note sur les Dieux ‘portables’ », p. 409-417) rassemble quelques données sur l’usage de statuettes de divinités dans les pratiques de dévotion privées, en particulier sur le fait de porter sur soi des figurations de divinités. L’enquête sur « les dieux portables » peut désormais s’appuyer sur le livre de Annemarie Kaufmann-Heinimann, Götter und Lararien aus Augusta Raurica : Herstellung, Fundzusammenhänge und sakrale Funktion figürlicher Bronzen in einer römischen Stadt, Augst-Bâle 1998 (Forschungen in Augst 26).

Domenico Vera (« Osservazioni economiche sulla Vita Sylvestri del Liber Pontificalis », p. 419-430) s’attaque à la difficile question de l’intégrité des chartes de fondation présentes dans la Vita Sylvestri du Liber pontificalis romain. Sur la base d’une observation de Jean-Pierre Callu (« Le ‘centenarium’ et l’enrichissement monétaire du Bas-Empire », Ktèma, 3, 1978, p. 301-316, ici p. 308-311), il note que la mention, à cinq reprises, de tremisses dans l’évaluation des revenus des biens-fonds contraint à admettre que ces chartes ont été au minimum révisées après 383. Il cherche cependant à en sauver l’origine constantinienne, en faisant l’hypothèse que dans la première rédaction du Liber pontificalis, telle du moins que la reconstitue Louis Duchesne, figuraient seules les chartes issues d’un registre d’archive impérial d’époque constantinienne, tandis que, dans la seconde édition, celle que nous possédons, de nombreuses retouches auraient été effectuées sur la base de l’utilisation de nouveaux registres, en particulier privés. Une telle conjecture s’appuie sur l’analyse philologique du Liber pontificalis telle que l’avait menée Louis Duchesne. Mais des travaux récents remettent radicalement en cause les liens que l’illustre savant croyait pouvoir établir entre les deux abrégés félicien et cononien et la rédaction actuelle du LP : Patrizia Carmassi et Hermann Geertman — voir leurs contributions respectives dans Atti del colloquio internazionale « Il Liber Pontificalis e la storia materiale », Roma, 21-22 febbraio 2002, H. Geertman éd., dans Mededelingen van het Nederlands Instituut te Rome. Antiquity, 60-61, 2001-2002, p. 235-266 et 267-284 — ont en effet récemment proposé de voir dans les abrégés, non une source du texte que nous possédons, mais des dérivés. Si une telle hypothèse venait à recueillir le consensus omnium doctorum, la reconstitution de Domenico Vera serait sérieusement ébranlée. On notera que l’auteur estime que les indications de revenus portées dans les chartes se référent à des revenus bruts, et non nets après paiement de l’impôt. Sur le même thème on consultera également Claude Brenot, « De l’or et des épices pour l’Église : à propos des fondations romaines de Constantin », BSNAF, 1999, p. 91-97.

Étienne Wolff (« Fulgentiana », p. 431-443), dont on annonce la publication prochaine aux Belles-Lettres d’une traduction commentée de l’Expositio Virgilianae continentiae du mythographe Fulgence, propose quelques observations sur l’interprétation allégorique de l’Énéide qui est l’objet de ce texte. Sur le problème du lien entre le Mythographe et Fulgence de Ruspe — que l’ auteur est prêt à accepter —, voir G. Hays, « The Date and Identity of the Mythographer Fulgentius », Journal of Medieval Latin, 13, 2003, p. 163-252 (contre), et A. Isola, « Sul problema dei due Fulgenzii : un contributo della Vita Fulgentii », Auctores Nostri, 1, 2004, p. 103-117 (pour). Sur la question de l’allégorie, on se reportera aux communications rassemblées dans Allégorie des poètes. Allégorie des philosophes. Études sur la poétique et l’herméneutique de l’allégorie de l’Antiquité à la Réforme. Table ronde internationale de l’Institut des traditions textuelles (Fédération de recherche 33 du CNRS), G. Dahan, R. Goulet éd., Paris 2005 (Textes et traditions 10).

Giuseppe Zecchini (« Note sull’atteggiamento di Sulpicio Severo verso l’Impero Romano », p. 445-456) clôt cette riche moisson d’études, en reprenant une partie de sa contribution au volume Greek and Roman historiography in late antiquity : fourth to sixth century A. D., G. Marasco éd., Leyde 2003 (« Latin Historiography. Jerome, Orosius and the Western Chronicles », p. 317-345). Il met en valeur en particulier l’antipathie de Sulpice Sévère à l’égard d’Ambroise et la présence du thème de l’Antéchrist, sur lequel on pourra lire Cristian Badilita, Métamorphoses de l’Antichrist chez les Pères de L’Église, Paris 2005 (Théologie historique 116).

Michel-Yves Perrin, Rouen
myperrin@wanadoo.fr


[1] On trouvera sur le site électronique de l’Académie une courte notice biographique sur le récipiendaire de ces mélanges : http://aibl.fr/fr/membres/academ/callu.html

[2] Aux remarques de J. Fündling, dans Bryn Mawr Classical Review 2004. 10. 06, on ajoutera entre autres : p. 115 : lire « né entre 42/45 et 51/54 » et non « né entre 42/45 et 53/51 » ; p. 123 (texte grec) : lire « Theou » et non « Thou » ; p. 124 ss : quelques erreurs de transcodage du grec ; p. 199 n. 22 : lire « il ricordo ancora nel VI secolo » et non « nel IV secolo » ; p. 219 : lire « à partir du milieu du IVesiècle », et non «  du Ve siècle ».


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